Je relis de vieux carnets, d’anciens cahiers remplis de phrases pas toutes achevées, de paragraphes entiers parfois, des tentatives à glisser dans des projets en cours. Mes cahiers se sont empilés au fil des ans sans que jamais je ne les relise. Relit-on ses brouillons ? Reprend-on des phrases tirées de ses lectures oubliées ? Cherche-t-on à utiliser des notes anciennes quand le temps a passé ? S’acharne-t-on à faire renaître des bribes de rêves enfouis, à reprendre des tentatives abandonnées ou des extraits de livres qu’on ne sait pas avoir lus, un jour ?
Me plongeant ainsi dans des époques passées de ma vie, je vais à la rencontre d’une personne que je ne reconnais pas, dont je ne sais pas si je l’ai connue un jour. Je ne suis pas centaine d’avoir gardé le souvenir de cette inconnue. Mais je suis bien obligée de penser qu’elle a été moi un jour puisque je possède toutes ces preuves écrites, ces fragments accumulés, attestant d’une activité quotidienne de lecture et d’écriture, peut-être la genèse d’un projet à venir demeuré dans les limbes, coincé entre toutes ces pages oubliées.
Une part de moi-même reste en sommeil dans un lieu où je n’avais plus accès, une chambre dont j’avais perdu la clé et je m’autorise à croire qu’à de rares moments je pourrais à nouveau éveiller quelques désirs passés.