Stries dans le ciel noirci. Comme dans son enfance, elle compte les secondes jusqu’aux premiers roulements du tonnerre, une deux trois dix, douze… l’orage est loin, mais les grondements sont énormes, les éclairs déchirent le ciel devenu bleu nuit.
Demain il n’y aura plus rien. Rien ne paraîtra et chacun se demandera s’il s’est vraiment passé quelque chose. Tout le monde se taira, tout sera à nouveau comme avant, rien n’aura eu lieu.
Pourtant.
Il n’y aurait eu qu’à demander pour savoir que quelque chose s’était passé, qu’un événement avait eu lieu ici. Tout le monde le savait et était susceptible de raconter ce moment où quelque chose avait eu lieu, mais aucun ne le faisait, tout le monde se taisait. Non rien, il n’y avait rien eu ce jour-là.
On vous le garantissait.
Il suffisait pourtant de percevoir les regards fuyants, les mots qui ne venaient pas, les mouvements furtifs à peine ébauchés, les soupirs ravalés et les sourires avortés pour s’apercevoir de ce qui pouvait encore se dire, mais qui ne sortait pas des bouches closes.
— Il ne s’est jamais rien passé ici. Que voulez-vous savoir? Que cherchez-vous à nous faire dire ?
Des taiseux tous autant qu’ils étaient. Non pas malhonnêtes, non on ne pouvait dire cela d’eux, ils pensaient simplement que cela ne regardait personne d’autre qu’eux, que les autres n’avaient pas à savoir, qu’ils n’étaient pas concernés par leurs affaires. Ils défendaient farouchement leur entre-eux, ne rien dire n’était ni un mensonge ni un délit.
Cependant elle continuait son investigation, relevant le moindre signe d’une conscience enfouie, d’un chatouillement qui faisait trembler les mots, guettant le passage d’une ombre dans les regards. Forant l’épaisseur de leur carapace, fouinant au plus profond de leurs consciences endormies.
— Rien passé dîtes-vous ? Mais des ordres avez-vous dit aussi. Des ordres, suivre des ordres j’ai entendu cela.
— Non nous n’avons rien dit. Pas ce mot-là.
— Il ne s’est rien passé, jamais.
— Vous n’avez aucune raison de nous harceler, pas le droit de fouiller ainsi dans nos vies, rien ne vous permet… Ne vous autorise à…
— Qu’avez-vous fait ? Nous connaissions tous cet homme. Vous l’avez connu, n’est-ce pas ?
Elle s’obstinait encore à leur faire dire la vérité, cette vérité qu’ils ne reconnaissaient pas, elle entendait des mots… Vie paisible… Tranquille… Rien demandé à personne…
Le ciel s’était encore obscurci et la nuit avait brusquement pris possession du jour. Les arbres tremblaient sous les bourrasques et des éclairs illuminaient cette noirceur. On entendait les aboiements d’un chien dans le lointain.
Le village soudain désert, tous les habitants avaient quitté la place, ceux avec qui elle parlait s’étaient enfuis, elle était seule au milieu des grondements et des éclairs, perdue comme une enfant que personne n’écoutait, ses mots étaient effacés par le vent, emportés au loin, ses gesticulations étaient inutiles.
Parler, crier, hurler sa colère.
Épuisée, sans énergie, anéantie.
Seule avec ses questions.
Vous avez une très belle écriture, fluide et agréable…
Merci beaucoup.
Je vous remercie de votre lecture.
je plusoie le commentaire de mayaura Kl : une belle écriture, fluide, et qui laisse deviner autant qu’elle conte.
Je reviendrais !