
Banc
Difficile d’être présente et de ne pas subir toutes ces petites défaillances quotidiennes, de ne pas sentir ce qui coince, empêche, entrave, limite, restreint, ligote.
Difficile de se débarrasser de paroles et de gestes compulsifs, ces automatismes censés nous protéger, de la peur du vide sans doute.
Mais il me suffit parfois, à de rares moments, d’arrêter un instant ma marche, de humer l’air, de lever les yeux vers les nuages, pour me donner l’envie de chercher des détours dans ces chemins tracés d’avance.
Difficile d’avancer coûte que coûte de contourner les obstacles, d’éviter les accidents de parcours, toutes mes petites défaillances possibles, les faux pas et autres hésitations. Comme s’il s’agissait de maintenir le cap dans la tempête ou de se tenir en équilibre alors que la terre se dérobe sous mes pieds, que les éléments se déchaînent, que les systèmes les plus sophistiqués lâchent sournoisement.
Et puis quelques pas, une gare, un voyage en train, une ville inconnue et au détour d’une rue soudain je lève les yeux vers un horizon qui vient de s’ouvrir brusquement. L’envie me prend d’ouvrir une porte et de pénétrer dans un lieu inconnu. J’imagine la rive d’un fleuve immense comme un appel à l’inconnu et une puissante aspiration à m’écarter de tous ces chemins balisés s’empare de moi.
Je n’ai plus peur de flotter, de naviguer, je suis en partance pour un ailleurs lointain où un simple détour de ma route et j’oublie tous mes lieux familiers.