Pas un bruit autour de moi, rien que le voile imperceptible du silence qui m’entoure et m’isole. Pourtant je ne suis pas seule dans cette salle aux murs blancs. D’autres gens circulent, s’absorbent dans la contemplation d’un tableau accroché au mur ou se penchent sur une vitrine. Personne ne cherche à déchirer cette enveloppe pourtant si légère qui nous protège, nous sommes tous happés, tout à notre contemplation, chacun de nous a rejoint son propre territoire et erre au milieu de ses connexions personnelles, incommunicables aux autres.
Combien d’univers, de mondes différents se côtoient-ils simultanément dans cette salle ? Combien d’imaginaires se frôlent sans jamais s’interpénétrer ? Immense réseau de mots, de souvenirs, d’images, de sensations colorées. Réservoir inépuisable et pourtant inaccessible d’intimités qui se frottent entre elles sans s’unir, s’ignorant les unes les autres, dans une vibration pourtant commune, les regards tournés parfois dans la même direction.
À présent du fond de ma retraite, je contemple la mer en suivant des yeux la presqu’île rocheuse qui me fait face, les seuls bruits qui troublent le silence sont les chants des oiseaux et parfois le susurrement du vent dans les feuillages.
Ici pas de tableaux, mais tous les univers côtoyés jusqu’à présent m’accompagnent, résonnent pour peupler ce silence de leurs ramifications, oubli et réminiscence de tout ce qui m’a effleuré sur les chemins qui m’ont menée jusqu’ici.

Traversée