Devrai-je laisser partir ce qui me quitte, ne rien retenir, ne rien forcer?
Devrais-je cisailler définitivement ce lien de la vie, sans regret et sans pleurs et vivre ce départ comme une rupture, une morsure dans ma chair trop sensible ?
Les mots m’ont abandonnée, ils se sont dérobés, m’ont délaissée par lassitude sans doute. Je les ai recherchés longtemps, l’écriture ne pouvait pas s’évanouir ainsi, ni le désir si ancien d’inscrire des mots sur une feuille blanche, cela ne se pouvait.
Je les ai appelés, convoqués, mais rien, ils ne sont pas revenus.
Qu’on me chuchote des mots de consolation dans la nuit tombée trop tôt des mots oubliés, rejetés et perdus depuis longtemps, ceux que je ne trouve plus jusqu’à ce que la nuit m’enveloppe et devienne cette amie qui m’accueillait naguère et murmurait à mon oreille.
Il aurait suffi qu’on me dise que cette amie, celle dont l’absence comme une vieille cicatrice démange encore ma peau trop sensible, que cette amie devenue indifférente allait me quitter au bord d’un chemin que je ne pouvais ou ne voulais plus prendre pour que je ne la cherche pas en vain comme une hallucinée.
Tout ce qui s’éloigne de moi rétrécit mes territoires. J’attends la nuit pour atteindre une cachette connue de moi seule. Là m’abandonnant dans le dépouillement et l’allègement, une légère agitation deviendra ma compagne, une intranquillité vigilante, un doute salutaire m’habitera alors.