Les jours allaient bientôt raccourcir

Les jours allaient bientôt raccourcir, l’heure d’hiver reviendrait il serait alors temps de se demander comment utiliser ces longues soirées d’automne et d’hiver, de savoir comment profiter de ce temps de répit et ne pas sortir, ne pas s’exposer au vent, à la pluie et à la nuit hivernale.

Vignoble en Bourgogne

Retrouver le plaisir de se confiner pour plonger au fond de soi et faire défiler des images surgies des profondeurs les plus intimes et parfois les plus sombres, le plaisir teinté d’une légère frayeur de se pencher dangereusement vers cet intérieur toujours inconnu quoiqu’on se dise pour conjurer la crainte, l’inquiétude, la menace, ce frisson de peur devant ce que nous ignorons, exorciser des démons qui tels des hiéroglyphes mystérieux sont inscrits dans nos abîmes les plus insondables.

Se laisser bercer par ce temps de latence en attendant le jour qui apportera son quotidien d’activités nécessaires et pourtant futiles et qui effacera toutes traces d’ombres nocturnes, estompera tous ces signes qui demeureront obscurs et illisibles.

Il existe tant de choses dont il faudrait se souvenir, événements, noms de lieux, de personnes, traits de visage, silhouettes, démarches, mais aussi des impressions, sensations visuelles et auditives, des saveurs, des goûts, des sons et des odeurs, tout un univers sensible, dont font partie les terreurs oubliées de l’enfant, les peurs cachées que l’on voudrait garder au fond de soi comme dans une boîte secrète.

Tant de moments dans lesquels on pourrait puiser pour nourrir nos sensations présentes alors que beaucoup de ces souvenirs se sont évanouis et sont tombés dans un oubli profond.

Elle pensait qu’elle ne savait plus rien, n’avait plus rien à dire ou à revendiquer, pensait que sa volonté s’était amenuisée laissant place à une indifférence polie et distante envers ce que les uns et les autres, et même ses propres amis pouvaient bien envisager de faire, leurs projets immédiats ou à long terme, ce qui pouvait les motiver, les faire bouger et se lever le matin, tout cela lui était en fait parfaitement indifférent, devenue étrangère à tout ce qui pouvait surgir sur son chemin, tout cela lui paraissait presque désagréable, pensait-elle alors qu’elle s’attardait devant sa tasse de thé au petit déjeuner en écoutant tomber la pluie.

Elle aimait ces journées de pluie quand brusquement tôt le matin le ciel se fermait et noircissait, qu’une brume couvrait la mer faisant disparaître les rochers qui la longeaient, qu’un vent froid se levait et que la peau gorgée de soleil se resserrerait en frissonnant, tandis que la pluie tombait drue tambourinant sur les toits, accompagnant ses rêves éveillés, rythmant ses songes du matin.

Fallait-il que l’eau qui coulait entraîne avec elle tout ce qu’elle aurait voulu éliminer, oublier, perdre, tout ce qu’elle souhaitait voir englouti à jamais, tout ce que peut-être elle fut et n’était plus depuis longtemps?

Comme l’eau d’un torrent charrie tout ce qui traîne sur son passage faisant danser feuilles, bouts d’écorces, brindilles et petites branches, elle souhaitait que soient emportés les résidus inutiles, les scories, les choses oubliées, tous les dépôts de sa mémoire encombrée. Elle pensait se délester de ce qui n’avait pu aboutir, toutes ces jeunes pousses qui ne se transformeraient jamais en plante.

Mais soudain la pluie devenait tempête, grondement, arrachement et fracas, saccageant sur son passage, il ne restait plus que des arbres couchés, déracinés, des rivières de boue se répandaient dans les rues, recouvraient les champs.

Parfois elle ne se reconnaissait plus elle-même.

Chemin en Bourgogne

Moulin abandonné

 

 

 

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Un port, la nuit la pluie

M’asseoir sur une terrasse là, près du port, devant des bateaux amarrés qui tanguent sous l’effet du vent et rêver de départs imminents dans la nuit, vers des lointains imprécis, des aubes inconnues, loin sur l’océan.

Honfleur

Me dire que je pourrais rompre les amarres et partir ainsi de nuit là-bas très loin « au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau » sans que la pluie ou les bourrasques  ne puissent me retenir.

Honfleur

Penser que je surmonterai tous les obstacles pour trouver des horizons aux lueurs nouvelles, des levers de soleil flamboyants, des petits matins aux promesses inédites. Des ailleurs encore inexplorés.

Honfleur

Et être là sur la terrasse imaginant ma frêle embarcation secouée par les éléments dérivant au gré du vent et des courants, vaincue par le froid et l’humidité qui pénètre mes vêtements, frissonnante, rêvant de promesses incertaines en observant quelques flaques sur une table, tremblante encore de n’avoir pas su briser mes attaches,

d’être restée au port.

L’annulation

Il pleut sur la ville, un évènement doit avoir lieu ce jour qui n’aura pas lieu. Tout le monde s’active, se démène, prépare, répète ce qui devra avoir lieu, fait en sorte que cela puisse avoir lieu comme prévu.

Le vent rafraîchit la scène, des gouttes se mettent à tomber mais ce n’est encore rien. Tout se passera comme prévu. L’organisation continue. Tout se met en place. Les gouttes tombent un peu plus drues. Les fauteuils dans les gradins se couvrent d’eau, la scène est trempée et le froid s’installe. Mais tout devrait encore avoir lieu car tout est encore possible. La pluie peut cesser de tomber. Mais elle ne cessera pas, et l’annulation tombera. Il n’y aura pas de spectacle en plein air ce soir-là.

Invalides 2013

 

InvalidesCombien de fois suis-je ainsi amenée à prévoir, à organiser, à me réjouir de ce qui doit avoir lieu? Combien de prévisions, d’actes qui n’auront pas lieu alors qu’ils auraient dû avoir lieu, de pensées qui n’aboutissent pas, d’émotions qui disparaissent à peine apparues?

Les portes de notre imagination se ferment sur ces petits renoncements, ces abdications quotidiennes, ces annulations d’événements intimes, ces petits gestes qui n’aboutissent pas.
Mis il me reste l ‘espoir que des détours sont toujours possibles, et je m’engage sur d’autres chemins.

Copenhague

Les premières impressions d’un lieu que l’on découvre dévoilent des territoires qui nous sont inconnus, étrangers à ce que nous sommes ou croyons être. Une ville dans un pays  ignoré jusque là, méconnu probablement et nous voilà devant des étendues nouvelles à apprivoiser.

« S vous prenez une carte du Danemark et que vous y jetez un oeil, vous verrez que la péninsule du Jutland, au nord, se finit en pointe et que les deux Mers se rencontrent autour de cette pointe. Je crois que c’est un phénomène unique au monde. C’est là que je me trouve, dans un petit hôtel, à travailler comme une esclave, et j’espère pouvoir terminer mon livre ici dans quelques mois. » Karen Blixen à propos de  » La ferme africaine » dans Lettres du Danemark (1931-1962).

Ainsi ne cessons nous de nous demander où nous nous trouvons exactement dans ce pays. Face à la mer du Nord? Devant la Baltique? Au bord du détroit de l’ Øresund ? Comment se situer devant ce « phénomène unique au monde », dans ce lieu où les édifices eux mêmes  semblent suspendus entre les eaux de deux mers.

Je maintiens mon équilibre dans les rues de la ville entre le froid qui me surprend à cette époque de douceur automnale et le vent qui s’engouffre par rafales,  et j’avance à la recherche de lieux que je pourrais nommer.

Vue sur Copenhague depuis l’avion

Jour de pluie à  Copenhague

Nyhavn

Skuespilhuset ( Royal Danish Playhouse)

resund depuis le Louisiana

Vue sur l’Øreseund depuis le Louisiana

Vue sur l’Øresund depuis le Louisiana