Je ne crois pas être la seule à aimer regarder et lire des cartes.
Au plaisir enfantin de la promesse de voyages lointains se mêle celui, esthétique, de contempler des tracés de toutes les couleurs simulant des formes, des reliefs, des parcours sinueux de fleuves, ou des pourtours de villes, au milieu des lettres formant les mots qui les désignent.
Prendre des notes, classer des bouts de phrases, élaborer des textes c’est construire une cartographie de ses propres territoires, délimiter ses zones d’écriture afin de ne pas s’aventurer vers des lieux peu amènes et trop étrangers à ce que nous sommes, ne pas errer dans des zones peu propices, encore moins se fourvoyer dans des impasses où notre écriture finirait par se tarir. Mais c’est aussi profiter des chemins de traverse, ceux, inattendus, qui s’offrent à nous pour nous approcher le plus possible, profitant de l’imprévu, de l’inconnu.
En écrivant, je trace les parcours, les itinéraires de mes destins, je suis les traces de toutes mes sensations, de mes désirs les plus enfouis, celles de mes hésitations aussi et de mes fourvoiements et des raccourcis qui ne mènent nulle part. J’invente des toponymes pour tous les lieux dans lesquels je me projette.
La soif d’espaces inexplorés me pousse vers la rencontre avec tout ce qui peut me surprendre et révéler mes frayeurs et mes peurs. C’est alors que je découvre et que je peux apprivoiser tous mes renoncements passés et, usant de toute la palette de mes émotions, devenir enfin frémissement devant le monde qui s’offre.
Et je prends plaisir sans crainte de me perdre à m’éloigner sur des pavés mouillés, le long de chemins caillouteux en sentant la pluie glisser le long de mon cou, à escalader des sentiers abrupts de montagne ou des chemins enneigés de forêts.