En se levant le matin, ce jour-là, elle se sentit légère, ouverte à toute intrusion dans son univers intime que, d’habitude elle refermait aux autres, allant jusqu’à en verrouiller l’accès comme pour la pièce d’un vieux manoir trop vaste dont on refuse l’entrée aux visiteurs.
Mais ce n’était ni pour en interdire l’accès, ni pour le refuser, elle aurait simplement voulu en faire un lieu préservé. Un lieu de non-partage, d’absence de communication, un lieu de silence et de concentration.
Un cabinet de lecture où elle serait le principal sujet de tous les livres qu’elle imaginait écrire un jour, peut-être. Un espace réservé comme une cabane au fond du jardin, un lieu de promesses reconduites, de rêves développés comme des scénarios, de mots chuchotés, le lieu de ses fantasmes avoués, de ses désirs secrets, le lieu de tous les possibles qui n’adviendraient sans doute jamais.
Mais ce jour-là la porte avait vacillé sur ses gonds, s’ouvrant brusquement dans un long grincement, une bourrasque s’était engouffrée révélant un espace visible au-delà des lisières et des bordures de son jardin privé, où l’irruption de l’inconnu, de l’inattendu et de l’imprévisible l’emportaient, la forçant ainsi tout en la rendant plus légère à se déplacer à la découverte de nouveaux lointains.
Et dans ce déplacement impromptu tout devenait possible, les mots retenus pouvaient advenir. Tout pouvait s’inventer. Rien ne la retiendrait maintenant qu’elle avait franchi la lisière, qu’elle s’était déplacée se disait-elle, c’était à ce prix qu’elle allait faire face, que l’espace s’ouvrait et que quelque chose de nouveau et d’inconnu prendrait forme, comme une écriture à venir.