Lot 37

Chaque déambulation nous sollicite et nous offre matière à rêverie ou à méditation. Comme un signe ou un appel quelque chose nous happe sur notre chemin à chacun de nos pas.

Wohlsthof Septembre 2012 (2)

Pas un caillou pas un arbre pas une brindille qui ne soient à même de faire surgir ce que nous n’attendions pas.

Wohlsthof Septembre 2012
Chaque mousse nous parle et dessine pour nous des formes que nous gardons en mémoire. Minérales, végétales, vivantes, elles deviendront les canevas de ce que nous verrons encore. Chaque œuvre d’art est la reconnaissance inconsciente de ce que nous avons déjà vu, de ce qui était déjà inscrit. À chacun de nos pas nous rencontrons ce que nous possédons déjà au fond de nous.

Wohlsthof Septembre 2012 (6)
Je me vois et me reconnais dans les flaques d’eau boueuse sur mes chemins hivernaux, dans la surface brillante des plaques de glaces ou dans l’eau vive des ruisseaux en été. Le ciel s’y reflète et notre vision artistique nous vient des formes et des contours que nous avons croisés partout sur notre parcours. Me revient la vision de toutes les branches tordues, des rochers dans lesquelles l’enfant que j’étais entrevoyait des têtes d’animaux ou de personnages énigmatiques, de tous ces nuages qui prenaient des contours d’objets connus ou de personnes, des plis du rideaux qui s’agitaient la nuit dans ma chambre.

Wohlsthof Septembre 2012 (5)
La promeneuse que je suis devenue ranime sur son passage toute cette vie imaginaire de l’enfant qu’elle était, l’enfant qui savait transformer les apparences.

Ombre et lumière

L’enfant n’avait jamais aimé l’ombre, l’irruption passagère d’une ombre l’inquiétait comme pouvait l’inquiéter le passage inopiné d’un nuage dans un ciel d’été si bleu alors que rien ne présageait l’arrivée d’une grisaille dont elle ne savait se défendre. Cela ressemblait à une menace, un pressentiment ou plus exactement le souvenir tourmenté d’un événement qui, s’il n’avait jamais eu lieu, aurait cependant pu advenir. Et la seule perspective ou probabilité de cet événement qu’elle ne connaissait pas l’effrayait. Une masse sombre, compacte comme ce nuage qui passait.

La femme venait de faire quelques pas sur la chaussée encore mouillée. La pluie s’était arrêtée aussi brusquement qu’elle avait commencé pour faire place aux chauds rayons du soleil de l’été naissant.

Elle repensait.

Elle s’arrêta un bref instant au milieu du trottoir obligeant les badauds à la contourner en manifestant leur mécontentement. Ils sont tous si pressés, se disait-elle, où vont-ils donc?  Où comptent-ils se rendre si vite?

Elle venait de se souvenir, revoyait cette lueur si  particulière d’une lointaine journée d’été, où ombre et lumière alternaient dans le ciel d’orage. Ce n’était pas l’orage que l’enfant craignait, se disait-elle, mais ce qu’il représentait, ce  violent surgissement de sensations enfouies, l’apparition de ce qui aurait dû rester caché et qui tentait de venir au jour.

L’enfant attendait le vent. Elle souhaitait cette bourrasque qui balayerait en quelques secondes toute menace imprécise.

L’enfant qu’elle était encore s’agitait toujours au souvenir lointain de cet affolement.