Chaque déambulation nous sollicite et offre matière à rêverie ou à méditation. Comme un signe ou un appel, quelque chose nous happe sur notre chemin à chacun de nos pas.
Je marche sur un sentier. Pas un caillou, pas un arbre, pas une brindille qui ne soient à même de faire surgir ce que je n’attendais pas, même ce vieux vélo posé contre un mur.

Daphné ( Anselm Kiefer)
Chaque mousse me parle et dessine des formes gardées en mémoire. Minérales, végétales ou vivantes, elles deviendront les canevas de ce que nous verrons encore. Chaque œuvre d’art sera la reconnaissance inconsciente de ce que nous avons déjà vu, de ce qui était déjà dessiné en nous.
À chacun de nos pas, nous rencontrons ce que nous possédons déjà au fond de nous, et dont nous sommes dépositaires.
Je me vois, me reconnais, me retrouve dans les flaques d’eau boueuse sur mes chemins hivernaux, dans la surface brillante des plaques de glaces ou dans l’eau vive des ruisseaux en été. Le ciel s’y reflète et notre intuition artistique nous vient des formes et des contours que nous avons croisés partout sur notre parcours.
Me revient la vision de toutes les branches tordues, des rochers dans lesquels l’enfant que j’étais entrevoyait des têtes d’animaux ou de personnages énigmatiques, de tous ces nuages qui prenaient des contours d’objets connus ou de personnes, des plis du rideau qui s’agitaient la nuit dans ma chambre.
La promeneuse ranime sur son passage et révèle, telle une magicienne redonnant des couleurs à tout ce qui l’entoure, toute cette vie imaginaire de l’enfant qu’elle était, l’enfant qui savait transformer les apparences, imaginer des mondes dans des traces de cendres, de rouille ou dans quelques branchages desséchés.

Anselm Kiefer Centre Pompidou février 2016