Ombre et lumière

L’enfant n’avait jamais aimé l’ombre, l’irruption passagère d’une ombre l’inquiétait comme pouvait l’inquiéter le passage inopiné d’un nuage dans un ciel d’été si bleu alors que rien ne présageait l’arrivée d’une grisaille dont elle ne savait se défendre. Cela ressemblait à une menace, un pressentiment ou plus exactement le souvenir tourmenté d’un événement qui, s’il n’avait jamais eu lieu, aurait cependant pu advenir. Et la seule perspective ou probabilité de cet événement qu’elle ne connaissait pas l’effrayait. Une masse sombre, compacte comme ce nuage qui passait.

La femme venait de faire quelques pas sur la chaussée encore mouillée. La pluie s’était arrêtée aussi brusquement qu’elle avait commencé pour faire place aux chauds rayons du soleil de l’été naissant.

Elle repensait.

Elle s’arrêta un bref instant au milieu du trottoir obligeant les badauds à la contourner en manifestant leur mécontentement. Ils sont tous si pressés, se disait-elle, où vont-ils donc?  Où comptent-ils se rendre si vite?

Elle venait de se souvenir, revoyait cette lueur si  particulière d’une lointaine journée d’été, où ombre et lumière alternaient dans le ciel d’orage. Ce n’était pas l’orage que l’enfant craignait, se disait-elle, mais ce qu’il représentait, ce  violent surgissement de sensations enfouies, l’apparition de ce qui aurait dû rester caché et qui tentait de venir au jour.

L’enfant attendait le vent. Elle souhaitait cette bourrasque qui balayerait en quelques secondes toute menace imprécise.

L’enfant qu’elle était encore s’agitait toujours au souvenir lointain de cet affolement.

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