J’ai quitté la Sicile il y a quelques jours seulement.
Je n’oublie rien de cette terre de souvenirs où tant de civilisations se sont superposées en strates successives, où tant de peuples ont laissé leurs empreintes sur les chemins, dans les paysages, sur des visages où se reflètent encore les traits anciens, dans les regards tournés vers des lointains de la mémoire , où l’on sent pointer, affleurer sans cesse des souvenirs toujours vivants et se propager à nos oreilles comme un bruissement, le murmure du temps,et où notre histoire joue à cache cache dans les plis et les replis du relief
Ma mémoire laisse émerger tout ce que je ne savais pas qu’elle tenait jalousement renfermée, ce qu’elle protégeait à mon insu, tant de rencontres, de frôlements imperceptibles d’êtres qui chuchotent sur mon passage et laissent échapper des sonorités anciennes que je ne déchiffre plus. La tête me tourne à penser à ces milliers d’existences, aux mots oubliés et perdus de toutes ces langues que les vents ont portées.
Je n’oublie rien de la Sicile.
Chaque pas que je fais soulève une poussière d’images libérées des lampes magiques des contes de fée,
autour de moi des bateaux phéniciens voguent encore sur les mers,
et mon pied heurte des pierres polies par des hordes d’envahisseurs au cours des siècles,
le vent transporte des langues et des dialectes de ces peuples qui cherchent encore à nous transmettre le souvenir de leur existence.
Non je n’oublie rien de la Sicile.