petites scènes

Locataires du Familistère de Guise

Locataires du Familistère de Guise

Scène dans un Ehpad
Des tables, des chaises, des fauteuils roulants, des pensionnaires et des visiteurs.
Ce sont ces derniers qui, certains après-midi, se retrouvent dans cet espace, rassemblent tables et chaises pour parler entre eux. Entre chaque visiteur, un fauteuil roulant occupé par des vieux ( enfin plutôt des vieilles, les vieux eux sont beaucoup moins nombreux) ceux dorment la plupart du temps. Et ce sont les autres qui parlent, jacassent, papotent une bonne partie de l’après-midi. Ils finissent par se connaître à force de venir les mêmes jours, aux mêmes heures entrent visite à leurs vieux parents. C’est le dernier salon où l’on cause , la version 21e siècle du salon de la Du Deffand.

Voici un extrait d’une de ses lettres, qui témoigne, on le voit, d’une humeur noire. Madame du Deffand, tante de Julie de Lespinasse (voir infra), a l’humeur “vaporeuse”, selon le vocabulaire du temps, entendez dépressive : “J’admirais hier au soir la nombreuse compagnie qui était chez moi, hommes et femmes me paraissaient des machines à ressort, qui allaient, venaient, parlaient, riaient, sans penser, sans réfléchir, sans sentir ; chacun jouait son rôle par habitude… et moi j’étais abîmée dans les réflexions les plus noires ; je pensais que j’avais passé ma vie dans les illusions ; que je m’étais creusé moi-même tous les abîmes dans lesquels j’étais tombée.” (Madame du Deffand, Lettre à Horace Walpole, 20 octobre 1766). Comme sa nièce Julie, elle s’adonne à l’opium.

imageMadame du DeffandEt peut-être certaines de ces vieilles femmes et de ces vieux dont les sens peu à peu s’atrophient, eux dont personne ne s’occupe vraiment, perçoivent-ils cet abîme de mauvaise conscience dans lequel glissent ceux et celles qui viennent leur tenir compagnie, ces visiteuses du salon de Mme du Deffand?